Blocus du Haut-Karabakh : ma lettre ouverte à Emmanuel Macron

Plus d’un siècle après le génocide des Arméniens de 1915, le monde laissera-t-il encore faire ? Ma lettre au Président de la République Emmanuel Macron, au 250ème jour du blocus du corridor de Latchine par l’Azerbaïdjan.

Monsieur le Président de la République,


Ce samedi 19 août 2023 marque le 250eme jour du blocus du corridor de Latchine en Artsakh, au Haut-
Karabakh, un blocus plus hermétique chaque jour, imposé par la dictature azerbaïdjanaise, qui a transformé ce territoire en véritable espace concentrationnaire pour les 120 000 âmes qui y vivent.
À ce jour, le régime d’Aliyev empêche même le CICR d’acheminer vivres et médicaments, au mépris de toutes les règles du droit humanitaire international. Les effets de la politique azerbaïdjanaise se font macabrement sentir : les fausses couches se multiplient, les décès liés à l’absence de médicaments sont réguliers et déjà des premières victimes sont mortes de faim dans l’enclave arménienne.


La mise en oeuvre délibérée de cette politique par la dictature azerbaïdjanaise, les effets irrémédiables qu’elle induit, les discours éminemment racistes du régime Aliyev, ainsi que les offensives quotidiennes à la frontière de la République d’Arménie démontrent s’il en fallait encore que l’Azerbaïdjan met en oeuvre une politique clairement génocidaire à l’encontre des Arméniens.

Un deuxième génocide des Arméniens a lieu sous nos yeux aujourd’hui en Artsakh. Plus d’un siècle après le génocide de 1915, le monde laissera-t-il encore faire ?

La Cour Internationale de Justice a, à deux reprises, jugé ce blocus contraire au droit international et intimé à l’Azerbaïdjan l’ordre de garantir la libre circulation des biens et des personnels le long du corridor de Latchine. Toutefois, il semble tout à fait indéniable que les condamnations non suivies d’effet ne suffiront pas à faire infléchir le régime d’Aliyev soutenu par la Turquie, bénéficiant de la complicité de la Russie, et conforté par le renforcement des relations avec l’Union européenne en particulier en matière énergétique.

C’est la raison pour laquelle la France, sincèrement engagée aux côtés de l’Arménie, s’est attelée à l’aider à obtenir une intervention de la communauté internationale. Ce fut notamment le cas mercredi dernier, lors de la réunion dédiée du conseil de sécurité de l’ONU où notre ambassadrice a dénoncé avec force le caractère illégal de ce blocus et affirmé la nécessité inconditionnelle d’y mettre un terme.

Toutefois, comme le démontre l’échec de la réunion précitée, il semble que les nombreuses complicités dont bénéficie l’Azerbaïdjan rendent tout à fait improbable un accord du Conseil de sécurité de l’ONU sur une éventuelle intervention.

Aussi, au regard du caractère éminemment urgent et grave de la situation et de l’obstination du régime d’Aliyev, il me semble désormais devenu indispensable d’envisager de nouvelles mesures pour faire cesser ce deuxième génocide des Arméniens en cours.

En premier lieu, j’en appelle à l’adoption d’une série de sanctions économiques et financières à l’encontre du clan Aliyev, en commençant par un gel de ses avoirs en France, ouvrant la voie à un dispositif étendu sur le plan européen.

En second lieu, il me semble désormais temps d’envisager l’instauration d’un pont aérien à l’instar des mesures prise en 1948 à Berlin pour casser le blocus instauré par le bloc soviétique.

Monsieur le Président, je sais votre engagement personnel pour venir en aide à l’Arménie et au Haut-Karabakh, et votre conviction profonde que le rôle de la France est de se tenir aux côtés de son amie l’Arménie.

Je sais aussi combien la situation internationale actuelle pèse lourd sur le destin des populations arméniennes du Caucase. Déjà, le contexte de la première guerre mondiale avait permis à l’empire ottoman d’exterminer les Arméniens sans que nul ne vienne à leur secours, mais nous ne pouvons laisser l’histoire se répéter ainsi.

Toutes les mesures qui peuvent conduire à desserrer l’étau autour de ces populations, il est de notre
responsabilité de les adopter, il en va de l’honneur de notre humanité.

Je vous remercie par avance pour toute l’attention que vous porterez à ma demande et vous prie de
bien vouloir agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.


Sarah TANZILLI
Députée du Rhône
Le 19 août 2023