J’ai participé aux commémorations du Génocide des Arméniens à Lyon le 24 avril 2024, mais également à Meyzieu et Décines les 27 et 28 avril. Il s’agit de la première commémoration du Génocide des Arméniens depuis l’exode des Arméniens de l’Artsakh ayant fui l’armée azerbaïdjanaise en septembre 2023.
Veuillez trouver, ci-dessous, la vidéo du discours que j’ai prononcé lors de la commémoration de Décines, le 28 avril 2024. Vous trouverez la transcription du discours sous la vidéo.
Discours prononcé à l’occasion de la commémoration du 109e anniversaire du Génocide des Arméniens.
Cette année pour les commémorations du génocide des Arméniens de 1915, je ne vais pas vous parler des corps laissés sans sépulture dans le désert de deir es zor, je ne vais pas vous parler des femmes violées, des hommes décapités, des enfants mutilés, je ne vais pas non plus vous parler des eaux rougies de l’Euphrate par le sang des martyrs ou des orphelins survivants du génocide de 1915.
Cette année, je veux vous parler de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants qui après avoir subi un blocus de 9 mois dans le silence assourdissant du monde, durent eux aussi, comme en 1915, abandonner leurs maisons, la terre de leurs ancêtres et prendre le chemin de l’exil.
Je veux vous parler des 23 Arméniens détenus dans les geôles de Bakou, de ces hommes dont le seul crime est d’être arménien et d’avoir défendu le droit d’être arménien sur leurs terres.
Je veux vous parler de ces 8 responsables et haut dignitaires de la République d’Artsakh qui acceptèrent de se livrer à Aliyev pour permettre aux cent mille Arméniens du Haut-Karabakh qui fuyaient l’armée azerbaidjanaise de pouvoir trouver refuge en Arménie et de ne pas rester eux aussi prisonniers de cette dictature.
Ils s’appellent Arayik Haroutounian, Davit Ishkhanyan, David Babayan, qui étaient à Lyon le 8 décembre 2022 pour lancer la fête des Lumières à nos côtés, ils s’appellent Bako Sahakyan, Arkhadi Ghugassian, deux anciens présidents de la république d’Artsakh qui eux aussi foulèrent les rues de notre agglomération, ils s’appellent Davit Manukyan, Levon Mnatsakanyan, ils s’appellent Ruben Vardanyan, qui a fait le choix d’embrasser le destin des arméniens d’artsakh alors que tout le promettait à une vie confortable d’homme d’affaires international et qui paye le prix de son courage par une détention injustifiée dans des conditions inhumaines.
Chaque jour qui passe fait craindre le pire pour eux, nous ne pouvons pas les oublier car les oublier c’est les condamner à une mort certaine. Au contraire, notre mobilisation générale est essentielle pour permettre d’obtenir leur libération. Et alors que Bakou organisera la prochaine COP à la fin de l’année, la pression internationale doit peser de toute ses forces pour obtenir avant cet évènement leur libération.
J’étais à Erevan la semaine dernière et je veux aussi vous parler de ce que j’y ai vu.
Je veux vous parler de ces drapeaux qui flottaient par milliers au cimetière militaire de Erevan et partout dans les cimetières d’Arménie, de ces jeunes hommes victimes de la même folie meurtrière que celle qui conduisit au premier génocide des Arméniens, de ces sépultures sur lesquelles se recueillent quotidiennement femmes et enfants, plongés dans un océan de douleur et d’incompréhension de cette tragédie.
Je veux aussi vous parler de cette peur mais aussi du courage et de la détermination que j’ai pu croiser dans le regard de ceux que j’ai rencontrés sur place, bien vivants ceux-là, conscients qu’Aliyev et Erdogan n’ont pas l’intention de s’arrêter là, conscients que leur objectif est de mettre le peuple arménien à genoux et de faire de l’Arménie le nouveau terrain de conquête du pan-turquisme qu’ils appellent déjà l’Azerbaïdjan occidental.
Le peuple arménien depuis 150 ans fait face à une menace existentielle, un génocide sans fin dit à juste titre l’historien Vincent Duclert. Et c’est un génocide sans fin parce que rien ni personne n’a mis fin à l’idéologie expansionniste et de haine raciale vis à vis des Arméniens que les États turcs puis azéris transmettent de générations en générations à leurs concitoyens.
Cette idéologie de haine c’est celle qui consiste à poser l’Arménien comme un sous-homme, celle qui consiste à le déshumaniser, comme l’atteste le parc des trophées créé par Bakou où la population azerbaïdjanaise est invitée à contempler des mannequins monstrueux et animalisés censés représenter les soldats arméniens, cette idéologie de haine c’est celle qui est instillée dans l’esprit des jeunes turcs et azerbaïdjanais dès le plus jeune âge à l’école là-bas quand ils apprennent l’anglais en traduisant une phrase telles que : les arméniens sont des chiens, et ici dans les structures religieuses et associatives pilotées par Ankara.
Car oui, si cette menace met aujourd’hui en péril l’existence même de l’Arménie, n’oublions pas qu’elle pèse aussi sur les descendants des rescapés qui ont trouvé refuge ici en France et en Europe.
Si je suis très fière d’avoir pu faire interdire et dissoudre les Loups gris en France, je crois aussi que nous devons aller au-delà et obtenir l’inscription de cette organisation sur la liste européenne des organisations terroristes.
Vous l’aurez compris face à cette menace existentielle, si le peuple arménien se tient debout, il ne peut pas rester seul.
Et alors qu’en toute logique, le régime dictatorial de Poutine a préféré soutenir les dictateurs Aliyev et Erdogan plutôt que de tenir ses engagements vis à vis des Arméniens d’Artsakh, je crois qu’il est désormais plus que tant que la grande puissance démocratique qu’est l’Europe se tiennent pleinement aux côtés de l’Arménie.
Des pas importants ont pu être réalisés. Je pense en particulier à la mission civile de l’UE envoyée en Arménie dont la présence réduit le risque d’escalade à la frontière arménienne, je pense aussi à la possibilité offerte à l’Arménie de recourir à la facilité européenne pour la paix pour financer ses importations militaires défensives.
Mais clairement, l’Europe n’est pas encore à la hauteur.
Comment Charles Michel peut-il féliciter le dictateur Aliyev pour sa réélection fantoche en février dernier ? Comment l’Europe peut-elle remplacer le gaz russe par du gaz azerbaïdjanais ? ah non pardon pire encore, ce soit-disant gaz azerbaidjanais dont tout porte à croire qu’il est en fait en partie du gaz russe dont Aliyev a augmenté les importations justement suite aux contrats d’export conclu avec Bruxelles.
Le chemin vers la fin des relations commerciales avec l’Azerbaïdjan et l’instauration d’un régime de sanctions à l’égard d’Aliyev et de sa famille peut être pris, si tant est que nous soyons tous collectivement capable de porter ce message.
Je le fais avec beaucoup de vigueur à l’Assemblée nationale soyez en certains. Mais je crois que nous pouvons tous avoir un impact sur les choix stratégiques de l’Europe, en particulier en ce moment.
Certes la France n’importe pas de gaz depuis Bakou, mais la question qui se pose à nous qui sommes là, réunis, pour rendre hommage aux victimes du génocide des arméniens, c’est celle de savoir si nous sommes prêts à prendre le risque de devoir faire avec quelques degrés de chauffage en moins les hivers prochains pour instaurer une véritable solidarité entre européens qui permette à nos voisins dépendants du gaz russo-azerbaïdjanais de s’en passer ? Sommes-nous prêts à faire un effort collectif pour éviter d’alimenter les monstres assoiffés de conquêtes qui se trouvent à nos portes et qui aujourd’hui frappent hors d’Europe mais qui ne cachent pas leurs intentions contre l’Europe, contre nous, contre nos intérêts, contre notre liberté ?
La responsabilité et l’intérêt de l’Europe et des Européens que nous sommes sont de soutenir l’Arménie face à la menace existentielle qui pèse sur elle. Cela, la République française l’a bien compris et c’est la raison pour laquelle depuis le début de ce quinquennat elle est entrée dans une nouvelle phase de coopération avec l’Arménie.
L’envoi d’un attaché militaire pérenne et d’instructeurs sur place, la signature d’accords de livraison de matériels de défense entre les ministres de la défense, Suren Papikyan et Sébastien Lecornu constitue une véritable source d’espoir pour permettre à l’Arménie de trouver le chemin de sa propre sécurité et une étape décisive vers l’instauration de relations pleinement stratégiques entre Paris et Erevan.
Car s’il était essentiel de commencer par ce soutien afin de répondre à la gravité et à l’urgence de la menace azerbaidjanaise, il est clair que le gouvernement et le Président de la République souhaitent aller plus loin dans la coopération stratégique entre les deux pays, en particulier pour permettre à l’Arménie de renforcer sa souveraineté dans des secteurs stratégiques telles que les infrastructures ou le secteur énergétique. C’est d’ailleurs dans cette perspective que le programme Ambitions France Arménie a été revivifié à la demande du premier Ministre.
Cette volonté, l’Azerbaïdjan l’a d’ailleurs bien comprise : campagnes de dénigrement à l’égard de l’organisation des JO de Paris 2024, tentatives de manipulation de l’opinion publique, arrestation et expulsions de Français, soutien à de pseudo mouvements anti-colonialistes mais surtout anti-français en Nouvelle-Calédonie, LlAzerbaïdjan s’installe en opposition frontale vis-à-vis de la France. Le rappel de notre ambassadeur décidé il y a quelques jours démontre que la République a pris toute la mesure de l’hostilité de l’Azerbaïdjan à notre égard et du danger qu’il représente.
Oui désormais, dans le Caucase, la France est là où est sa place, aux cotés d’un pays ami, aux côtés d’un peuple ami, avec qui les Français partagent tant. La richesse d’une culture qui lui donne sa force, l’attachement démocratique, l’amour éperdu de la liberté, et enfin une volonté commune de rendre hommage à ces innombrables victimes de la haine génocidaire contre les Arméniens en permettant à leurs enfants de vivre en paix et en sécurité.
Vive l’alliance franco-arménienne, vive l’Arménie, vive la république et vive la France.