L’Assemblée nationale vote à une large majorité l’inscription de l’IVG dans la Constitution – Mon intervention le 30.01.2024

Veuillez trouver ci-dessous la vidéo de mon intervention avant le vote solennel inscrivant l’IVG dans la Constitution. Les Sénateurs doivent désormais adopter le texte dans les mêmes termes pour que ce projet de loi constitutionnelle soit définitivement adopté.

Le texte de mon intervention :

Madame la présidente,

Monsieur le Garde des Sceaux,

Madame la ministre,

Monsieur le président de la commission des lois,

Monsieur le rapporteur,

Mes chers collègues,

Nous voici sur le point de franchir une étape cruciale du processus entamé dès les premiers jours de notre législature, avec le dépôt de plusieurs propositions de révision constitutionnelle de la majorité comme de l’opposition permettant de sanctuariser le droit à l’avortement. Nous avons longuement débattu, ici même et en commission et ce débat a trouvé un large écho en dehors de nos murs, car les Françaises et les Français en ont bien compris l’enjeu : c’est bien les droits de nos filles et de nos petites filles que nous sommes sur le point de protéger, c’est bien les contours de la société française de demain que nous allons désormais garantir.

Ce débat a permis je crois de dissiper les derniers doutes, les dernières interrogations sincères.

Non, la constitutionnalisation de la liberté garantie à la femme de recourir à l’IVG n’entrainera pas de modifications des modalités actuelles d’exercice de ce droit, ni sur le délai durant lequel une femme peut avorter, ni sur les modalités d’accès, ni sur la clause de conscience dont bénéficient les soignants et dont la portée constitutionnelle a déjà été garantie par le juge.

Non, le droit de recourir à l’IVG n’est actuellement protégé par aucune norme supra-législative, de sorte que si nous ne parvenions pas à faire aboutir cette réforme constitutionnelle, une simple loi ordinaire pourrait tout à fait venir effacer l’édifice juridique qu’une succession de lois a créé en un demi-siècle.

Comme l’a dit à très juste titre le rapporteur, ce texte c’est rien et tout à la fois : certes il ne modifie pas le cadre juridique actuel mais il pourrait devenir demain le seul rempart, le seul bouclier du droits des femmes contre une majorité parlementaire réactionnaire.

Car il est certain que les circonstances politiques nous incitent à passer à l’acte maintenant.

Oui, le droit à l’avortement est bien plus menacé qu’auparavant. Croire que l’exemple américain est une exception culturelle circonscrite dans le temps, l’espace et limitée à une culture politique à laquelle nous serions par nature hermétique, c’est faire preuve d’un optimisme naïf que je ne peux pas partager .

Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de franchir l’océan pour constater que les majorités réactionnaires font toujours du droit à l’avortement des femmes une de leurs premières cibles : la Pologne, la Hongrie, Malte, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, toutes des démocraties qui ont vu des majorités parlementaires mettre en œuvre ou tenter de mettre en œuvre des politiques qui mettent à mal le droit à l’IVG. Jusqu’à forcer les femmes à écouter les battements de cœur du fœtus ou à interdire l’avortement même en cas de malformation fœtale.

Et en France alors ? ici même, devrais-je dire. Devons-nous prendre pour argent comptant la promesse proférée la main sur le cœur par ceux qui était contre le droit à l’avortement hier, qu’on ne les y reprendrait plus ? Faut-il fermer les yeux au passage de milliers de manifestants opposés au droit à l’avortement dans les rues de Paris comme ce fut le cas il y a 10 jours ? Faut-il se boucher les oreilles lorsque des parlementaires du rassemblement national comparent l’avortement à un génocide ?

Pardonnez-moi mais je ne crois pas que les réactionnaires de tout crin aient changé d’avis sur la place des femmes dans la société et je sais que c’est en les empêchant de maîtriser leur corps qu’ils prévoient de les renvoyer dans les foyers.

Voter pour ce bouclier protecteur ce n’est pas faire preuve de pessimisme, c’est faire preuve de responsabilité, c’est anticiper des évolutions probables particulièrement néfastes avant qu’il ne soit trop tard pour nous en prémunir.

Mes chers collègues, je crois que nous pouvons être fiers du travail accompli.

Et je tiens à saluer tout particulièrement l’esprit de responsabilité de plusieurs des groupes politiques de notre assemblée qui ont accepté de se ranger derrière la rédaction de compromis proposée par le gouvernement, une formulation équilibrée qui préserve la volonté du Sénat tout en protégeant efficacement les modalités d’exercice du droit à l’interruption volontaire de grossesse.

Dans ces conditions, ce compromis ne pourra souffrir aucun recul, sous peine de voir disparaitre le bouclier protecteur non régressif que nous appelons de nos vœux.

Car comment le juge constitutionnel interpréterait-il un recul, en particulier le fait de retrancher le mot garantie, autrement que comme une volonté du constituant de ne pas garantir la liberté donnée à la femme de recourir à l’avortement ?

Nous ne pouvons nous permettre une telle ambigüité.

Alors que ce texte s’apprête à poursuivre son parcours parlementaire, je forme le vœu qu’il soit regardé par nos collègues sénateurs pour ce qu’il est : un pas vers l’autre pour la défense d’intérêts qui nous dépassent, un compromis entre la gauche, qui a abandonné beaucoup je le sais, la majorité et la droite républicaine. Et je ne doute pas du fait que le Sénat, chambre du compromis et de la mesure, entende notre appel à l’unité républicaine, pour le droit des femmes.

Mes chers collègues, le droit des femmes de disposer de leur corps, de choisir leur destin, de faire seule les choix qui les concernent n’est pas une humeur, une concession donnée à l’air du temps ou à des prescripteurs de morale venus de l’étranger. Il est la source même de la liberté des femmes, acceptées comme des individus libres, dotés de raison et jouissant de leurs droits de citoyennes. Cette liberté-là, essentielle, trouve sa place dans notre constitution. Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera bien sûr en faveur de ce projet de loi constitutionnelle.